La honte de l’échec : ce mal bien français ? XX

 

Par Nicolas Baret, Auteur du Blog « Passionnément Patron »

 

Les anglo-saxons (USA et Canada en tête) admettent plus communément (que les français) que l’échec est inhérent à la vie d’un entrepreneur ou d’un salarié. A déboires égales, notre beau pays aura plutôt tendance à vous décerner ses places d’honneur sur ses sombres listes noires qui vous marqueront au fer rouge pour le restant de votre vie.

L’interdiction de gérer qui peut frapper un dirigeant suite à une faillite en est aussi un exemple assez représentatif de nos différences culturelles même si dans la pratique cela reste relativement rare.

Ma vie d’entrepreneur a très souvent été ponctuée d’échecs et de désillusions. Que ce soient des échecs dans le recrutements de personnes clés sur lesquelles j’espérais m’appuyer, sur mon organisation ou encore, sur ma stratégie de développement qui m’a conduit en 2016 vers une procédure collective, ma vie de patron ressemble bien plus à un chemin de croix qu’a une promenade de santé ! Mais je peux vous le dire avec la plus grande sincérité que la seule bonne décision que je suis sûr d’avoir prise depuis que je travaille est celle d’avoir cru en moi et de m’être lancer dans cette extraordinaire aventure de la création d’entreprise.

Je dois à tous ces échecs, aussi difficiles et éprouvants fussent-ils humainement, d’avoir fait de moi le chef d’entreprise que je suis aujourd’hui dans cette belle entreprise que dirige.

Les deux mots qui caractérisent notre aventure de Patron sont sans nul doute : « échec » et « résilience ».

Pourquoi l’échec est-il si tabou dans notre culture ?

Je pense tout d’abord que la culture élitiste de la société française n’est pas étrangère à notre rapport à l’échec. Nous avons appris dès l’école, par le système de notes à nous situer, et à situer, les meilleurs des derniers. Ce modèle élitiste français est sans doute ce qui peut nous différentier des anglo-saxons sans doute plus pragmatiques. De même que tous ces « diktats » qui pèsent sur notre société n’arrangent en rien notre acceptation de l’échec :  il faut aujourd’hui répondre à tous les standards du monde moderne au risque d’être déclassé socialement et d’être considéré comme un « looser ». L’échec (dans son couple, dans sa vie de famille, au boulot…) n’est vraiment pas dans la tendance du moment.  Il nous faut donc avoir toujours l’air enviable et désirable quelque soit notre situation. On ne dit plus d’ailleurs sur les réseaux sociaux « demandeur d’emploi » mais « en recherche de nouvelles opportunités » ! En matière de communication positive, on ne fait pas mieux !

J’ai souvent été frappé par la pudeur ou la prudence de candidats à l’évocation de leurs difficultés dans leurs précédents emplois. A la question, pourquoi vous avez quitté votre dernier emploi ?  j’ai souvent entendu le très pudique : « je n’étais plus en accord avec ma direction » ou encore « je n’évoluais plus, j’ai donc préféré partir »… Des formules « bateau » que connaissent très bien les recruteurs comme s’il fallait honteusement se cacher de ses difficultés relationnelles avec son ex-manager, ne pas avouer avoir été était lassé de son job ou se plaindre d’avoir été jusqu’alors très mal payé… De la même manière, le dirigeant d’entreprise qui peut avoir une certaine tendance à nuancer la réalité de sa situation pour ne pas avoir à se justifier de ses mauvais choix auprès de son banquier, par exemple. Comme s’il ne fallait prendre que des bonnes décisions pour être digne de confiance.

J’y vois dans ce réflexe notre tendance à préférer cacher se que l’on considère comme un échec plutôt que de prendre le risque de l’expliquer que cela nous a fait grandir et d’être finalement mal jugé. Il y a là, je crois, dans la honte de l’échec la peur de se sentir illégitime.

Un échec assumé rassurera pourtant beaucoup plus qu’une situation qui interroge qu’on cherche à justifier. Les conséquences pourront, en tous, cas être désastreuses sur la confiance de vos interlocuteurs.

Assumer ouvertement ses échecs ou ses difficultés c’est démontrer qu’on est déjà sur le chemin de succès !

Créer une culture du management par l’échec…

L’échec est une chance ! Car il nous met devant l’évidence de ce qu’il reste à faire pour réussir. Il est à ce propos fort regrettable que des entrepreneurs audacieux et certainement très talentueux se voient interdire de gérer ou « black-listés  » en raison d’accident de parcours professionnel. Se priver de ces entrepreneurs qui pourraient recommencer en faisant mieux, c’est peut-être priver notre économie de futures grandes et belles entreprises françaises.

La meilleure façon d’apprendre à marcher, c’est encore de tomber !  C’est pareil pour les salariés de nos entreprises. Déléguer, c’est admettre la possibilité que l’un de nos collaborateurs puisse échouer dans sa mission. Il faut donc considérer leurs échecs comme un véritable investissement dans leur formation. Pour vous en convaincre, combien d’entre nous sont arrivés 100% formés avant de démarrer leur business ? Nous avons tous pour beaucoup appris, sur le terrain, de nos bêtises ! Ne privons pas nos salariés de cette chance qui nous a été très profitable.

A l’heure d’un désamour grandissant pour l’emploi salarié, je suis convaincu qu’instaurer une culture du management par l’échec permettrait à certaines entreprises de sortir de leur modèle d’organisation ultra-hiérarchisé, hyper modélisé et de redevenir des sources d’épanouissement pour leurs collaborateurs.

Pour cela, changer de regard sur l’échec…

L’échec est la seule vérité sur laquelle on peut s’appuyer dans le business, car si l’on ne peut que présumer de nos facteurs clés de succès, on connait toujours avec une certaine certitude les raisons de ce qui n’a pas fonctionné.

Nos échecs biens analysés sont donc les meilleurs panneaux directionnels sur le chemin de notre progression. Le problème n’est donc pas d’échouer, mais notre capacité à tirer les bonnes leçons de nos mésaventures.

Je distingue en cela deux types d’échecs. Le mauvais échec : celui qui n’aura servi à rien ou sera considéré comme tel. Et le « bon échec », qui sera simplement celui qui nous aura permis de comprendre ce qu’il ne fallait pas reproduire et nous mettre en situation de reproduire ce qui fonctionne.

Ce que je crois, c’est donc que l’acceptation de l’échec dans notre société est un faux débat.  C’est le rapport de chacun d’entre nous à l’échec qui doit être revu et corrigé en gardant toujours à l’esprit que la réussite ne passe que par notre capacité à ne jamais nous voiler de nos erreurs, à toujours assumer celles-ci et enfin à bien les analyser pour en tirer le meilleur pour l’avenir. En un mot, toujours faire de résilience.

Nicolas Baret