Jurisprudence : en cas de compte courant d'associé débiteur, faute avouée n'est pas à moitié pardonnée

Nicolas Barret

Par Nicolas Baret, Auteur du Blog « Passionnément Patron »

 

L'AFFAIRE

L'affaire est malheureusement assez classique : une SARL est mise en liquidation judiciaire par le tribunal, un liquidateur est nommé, et celui-ci découvre que le compte courant d'associé du Gérant est débiteur (en l'occurrence d'un peu plus de 88.000 €), par suite de retraits d'espèces et de virements bancaires qu'il avait opérés à son profit sur les comptes de sa société, et en l'absence de toute caractérisation d'une contrepartie les justifiant.

Le liquidateur demande alors à la justice d'étendre la liquidation judiciaire à son encontre, considérant que le Gérant a usé du patrimoine de sa société comme de son propre patrimoine, ce qui, sur le plan juridique, caractérise une “confusion de patrimoines”.

LES JUGES

Dans un premier temps, la Cour d'appel, tout en rappelant le caractère illégal d'un compte courant d'associé débiteur, est néanmoins sensible aux arguments du Gérant, qui soutient que les retraits d'espèces et virements bancaires effectués à son profit étant régulièrement comptabilisés et clairement inscrits au débit de son compte courant d'associé, sa société était sa créancière et que, par conséquent, il n'y avait pas de confusion de patrimoines.

D'accord avec ce point de vue, la Cour rejette donc la demande du liquidateur.

Mais les juges de la Cour de cassation sont beaucoup moins compréhensifs. Selon eux en effet, le seul fait que les virements et retraits d'espèces aient été clairement inscrits au débit du compte courant d'associé n'est pas de nature à en exclure leur illégalité et surtout leur anormalité dès lors qu'ils ont été effectués sans contrepartie les justifiant.

Or, toujours selon la Cour, des relations financières anormales entre un Gérant et sa société sont constitutives d'une confusion des patrimoines, elle-même étant susceptible d'entraîner l'extension de la procédure judiciaire au Gérant, comme le prévoit l'article L.621-2 du code de commerce.

Ndlr : la confusion de patrimoine est un danger qui guette de nombreux Gérant(e)s. Beaucoup considèrent en effet que la société qu'ils ont créée leur appartient personnellement et que, par conséquent, l'argent qui se trouve sur ses comptes leur appartient également. C'est une grave erreur qui peut conduire tout droit devant un tribunal, voire en prison. Il faut toujours se souvenir en effet que la société que l'on a créée ou que l'on dirige est une personne à part entière, une personne morale certes, mais néanmoins distincte de la personne de son fondateur ou de son dirigeant. Il en résulte que se servir dans son patrimoine ou utiliser ses actifs dans son intérêt personnel, constitue un abus des biens de sa société, autrement dit un "abus de biens sociaux", une infraction sanctionnée par une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à 5 ans et une amende pouvant aller jusqu'à 375.000 €.

Source : Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 13 septembre 2023, pourvoi n° 21-21.693, Inédit.

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